Devrais-je faire appel de ma condamnation ou de ma peine criminelle?

Dernièrement, plusieurs clients éventuels me posent une question très courte, mais très importante: « devrais-je faire appel? ». Dans cette courte phrase se retrouvent plein d’espoirs, de peurs et de réalités. Dans ce blog, j’essaierais d’adresser certaines de ces inquiétudes pour vous.

LES ESPOIRS D’APPEL

L’espoir fondamental est que l’appel améliorera les résultats du procès. Lorsqu’un client me demande quelles sont leurs chances sur un appel, je dois officiellement leur dire : « Ça dépend ». Ça dépend de la loi et des faits à leurs procès. Ça dépend aussi de la direction que les vents d’appel judiciaire soufflent au Canada au cours d’une année particulière pour les enjeux juridiques en question.

Cependant statistiquement, je peux leur dire qu’environ le tiers des appels en matière criminelle ont une réussite à certains égards, selon les données de la Cour d’appel de l’Ontario. Le fait que les appels en matière criminelle ont un taux de réussite plus élevé que les appels en matière civile (où vous n’avez qu’une chance sur quatre) est conforme au fait que les tribunaux veulent faire tout en leur pouvoir pour protéger les droits des accusés contre les condamnations injustifiées ou les violations graves des droits.

L’espoir qu’un appel fera complètement disparaître les accusations a besoin d’être géré. Un appel réussi veut probablement dire l’ordre d’un nouveau procès. Ce n’est pas un mauvais résultat puisque la condamnation est renversée, mais vous devez être préparé psychologiquement et financièrement pour un autre procès. La Couronne ne procédera pas toujours à un nouveau procès, mais vous devez quand même vous préparer.

Les appels réussis sont plus directs : soit la Cour d’appel remplacera elle-même une peine appropriée, soit (moins souvent) renverra l’affaire au juge du procès pour une révision de peine en se fondant sur les bons principes juridiques. Une nouvelle peine sera au moins un processus relativement rapide par rapport à un nouveau procès.

Il est plus rare qu’une cour d’appel renverse une condamnation criminelle et procède elle-même à un acquittement - plutôt que de laisser la cour de première instance réexaminer si un acquittement est justifié au cours d’un nouveau procès - mais cela se produit.

LES PEURS DE FAIRE APPEL

Vous vous demandez sûrement si les choses peuvent empirer en faisant appel. Dans des cas criminels, la réponse est probablement pas. La Couronne fera rarement un contre-appel simplement parce que vous avez commencé les procédures d’un appel puisque les appels fait par la Couronne exige un fort intérêt public. Donc, le fait de commencer des procédures d’appel de votre condamnation ou de votre peine signifie habituellement, au pire, que vous serez coincé avec le résultat du procès si vous perdez, et non pas que vous serez reconnu coupable d’infractions supplémentaires ou que votre peine sera augmentée. De plus, en matière criminelle, la règle générale veut que la Couronne ne réclame ni n’adjuge les dépens. Ce qui veut dire que vous ne pourrez pas récupérer vos frais de services juridiques si votre appel est un succès et que vous ne risquez pas non plus les frais de services juridiques de la Couronne si vous perdez.

LES RÉALITÉS DE FAIRE APPEL

Un appel vous coûtera une grande somme additionnelle d’argent après que vous ayez peut-être déjà dépensé pas mal d’argent pour votre défense criminelle au procès. Le coût de l’appel pourrait être supérieur ou inférieur au coût de votre procès, dépendant de la durée de votre procès ainsi que la complexité et le nombre d’enjeux en appel.

En plus, vous devrez budgéter pour les coûts des transcriptions, qui est plus ou moins 500 $ par jour pour la première copie. Pour les prochaines copies officielles, les coûts diminuent. Vous avez habituellement besoin de 5 copies afin de procéder à la Cour d’appel, mais le nombre précis dépend du nombre de juges qui présideront l’appel ainsi que les règlements de la cour.

Le côté positif des coûts d’un appel est qu’ils sont beaucoup plus faciles à prédire à l’avance que les coûts d’un procès. Les avocats spécialisés en appel criminel vous factureront habituellement des frais fixes pour l’appel, y compris les frais de déplacement et les débours autre que les transcriptions afin que vous puissiez décider à l’avance si, selon vous, ça en vaut la peine. L’aide juridique de l’Ontario (AJO) financera des appels qui ont de bonnes chances de succès; si vous êtes financièrement admissible (le seuil de revenu est assez bas), le processus consiste à trouver un avocat d’appel qui fournira d’abord une opinion à AJO, et ensuite, un comité d’AJO décide de fournir ou non du financement.

Donc, devrais-je faire appel? Je dirais que la réponse est définitivement « OUI » si votre cas n’est pas totalement désespéré (ce sont rares), s’il y avait un gros inconvénient au jugement  (l’acquisition d’un casier judiciaire, purger une longue peine d’emprisonnement, payer une amende importante ou la confiscation de biens considérables), si vous pouvez vous le permettre, et s’il y a une base juridique pour l’appel. Vous devez comprendre que le processus d’appel n’est pas un nouveau procès et que les arguments juridiques plutôt que factuels prédominent en appel. Vous ne pouvez pas faire appel simplement parce que vous n’aimez pas le résultat du procès; vous devriez retenir les services d’un avocat qui peut élaborer une justification juridique solide pour expliquer pourquoi le procès a déraillé et pourquoi une cour d’appel devrait faire quelque chose à ce sujet.

Gordon Scott Campbell est un avocat crimininaliste qui représente des clients pour des accusations de nature criminelle, des audiences sur la réglementation et la conduite professionnelle, des procès et des appels dans tout le Canada jusqu'au niveau de la Cour Suprême du Canada. Il a déjà été le procureur de la Couronne fédérale et est l'auteur du livre Le manuel juridique de l'enquêteur (Yvon Blais, 2010). Pour en apprendre plus, visiter www.defenceeast.com et www.proconductlaw.com.